Lettre à l’équipe Bruit du frigo
Madame, Monsieur.
Je vous envoie ce courrier qui vous surprendra peut être mais qui, si vous le souhaitez, pourra peut-être vous permettre de compléter les informations que vous donnez sur votre site pour vos randonnées.
Je suis retraité depuis quelques années. J’ai effectué quelques unes des randonnées péri-urbaines que vous proposez.
Celle de Bègles, de Villenave d’Ornon d’abord, que j’ai beaucoup apprécié et je vous félicite de votre initiative. Mais c’est en effectuant les deux boucles de la presqu’île, celle d’Ambarès et celle d’Ambès, avec la jonction, en rencontrant par hasard des habitants sur mon chemin et en discutant avec eux, que j’ai fais une découverte qui a changé ma vie, ou en tout cas qui a bouleversé ma manière de regarder le monde. Comme je vous le disais, je suis retraité, j’ai eu le temps de me renseigner, d’approfondir, de fouiller dans les archives, d’interroger des spécialistes, et je dois dire que plus j’en apprenais, plus…. je n’en revenais pas !
Je ne suis ni historien, ni journaliste, ni scientifique (j’ai tenu un pressing pendant 40 ans à Bègles) et la recherche que je vous livre ne prétend pas à une grande qualité littéraire, mais elle laisse la parole aux gens qui m’ont raconté cette histoire. Et je me permets de vous la livrer à mon tour pour vous informer, ainsi que vos futurs randonneurs péri-urbains. Quand vous emprunterez les chemins de la presqu’île, n’oubliez pas qu’au delà des paysages, aussi paradoxaux et remarquables soient-ils, il y a du vivant, de la vie, et que parfois elle peut emprunter des chemins étonnants pour exister. Voilà, bonne lecture.
Jules Bertaud
Notre histoire commence à la fin du 16e siècle. Henri IV est alors Roi de France. Lors de ses conquêtes pour le pouvoir, il a parcouru des régions humides, hostiles, avec des voies de communication inexistantes… A ce moment là, tout le nord de Bordeaux, Eysines, Bruges, Blanquefort et Parempuyre, forme une vaste cuvette marécageuse qu’on appelle « la Palu de Bordeaux »…
Henri IV, qui connaît bien la région, ordonne l’assèchement du marais de Bordeaux. Ne trouvant pas de français assez compétents pour établir un plan sérieux de dessèchement, il fait appel à des hollandais spécialistes de la question des « polders » dans leur propre pays.
En 1599, Humphrey Bradley et Conrad Gaussens prennent en main le début des travaux. Ils ont fait appel à plusieurs de leurs compatriotes pour superviser un chantier gigantesque. Elévation de digues, creusement de canaux navigables, de chemins, d’écluses. Les ouvriers embauchés parmi la population et notamment des blanquefortais, travaillent dans des conditions pénibles voire insupportables, dans la vase, les odeurs nauséabondes, les insectes, les maladies. Les travaux avancent, mais les habitants de Blanquefort commencent à manifester leur mécontentement, contre le seigneur, le roi et surtout les hollandais. Ils savent que ces marécages communaux dans lesquels ils ont des droits seront mis au bénéfice du seigneur et des hollandais une fois les travaux achevés. En avril 1602, les premiers heurts ont lieu. Les habitants de Bruges manifestent leur colère contre les dessècheurs, ils endommagent la chaussée et une digue. Le mois suivant, ils bloquent totalement la chaussée et empêchent la poursuite des travaux. La répression royale qui s’ensuit, au lieu de les calmer, les poussent à bout et c’est le 22 septembre 1603 que les choses vont vraiment dégénérer. Emmené par les femmes qui prennent la tête, un cortège de 700 Brugeois et Blanquefortais, ivres de colère, partent se venger sur les Hollandais dessècheurs, symboles de tous leurs maux.
Cette soirée et la nuit qui s’ensuivirent resteront dans les mémoires de la rive gauche de la Garonne, sous le nom de « Nuit des Hollandais ». Triste épisode dont il est difficile de retrouver trace dans les livres d’histoire.
Les fameux hollandais, tout au plus une trentaine, accompagnés de leur femmes et enfants, n’ont d’autres solutions que la fuite pour échapper à la vindicte, à la furie populaire.
La « traque » va durer toute la soirée et toute la nuit. Les hollandais et leurs familles trouvent d’abord refuge dans les digues qu’ils connaissent par coeur puisqu’ils les ont dessinées, mais les enfants du village les retrouvent et les délogent avec des pierres, bientôt rejoints par les hommes armés de piques comme le raconte l’abbé Durupt de la paroisse de Bruges.
« Comme les hommes s’avançoient en rangs serrés, avec leurs piques ils pointoient tous les trous et cachettes de la grande digue, des femmes coupoient la retraite des Hollandois qui s’échappoient en tournoyant des gourdins de bois dur, et criant des mots de colère à l’encontre des étrangers, qu’elles établissoient pour responsables de leurs maulx et mauvaises conditions de vie … »
Après que six d’entre eux eurent la tête fracassée au gourdin ou le corps perforé, cernés de toute part, les hollandais survivants n’eurent d’autres solutions que de plonger dans la grande Jalle et de se laisser entrainer par les eaux jusqu’à la Garonne. En ce soir de septembre 1603, la marée est descendante et le courant les entraîne vers l’estuaire… Les Blanquefortais crient victoire.
Quelques jours après, des marins signalèrent avoir vu des feux de camp sur l’île Macau, juste après le Bec d’Ambès. Alors des hommes prirent des canots pour poursuivre les survivants, ils en tuèrent quelques-uns au début d’octobre puis ne trouvèrent plus que des traces de campements abandonnés, puis plus rien. Pour tous, la question était réglée, le peuple avait chassé les étrangers et cette histoire tomba dans l’oubli, d’autant plus que la mort d’Henri IV déclencha une guerre de religions, et qu’on y vit bien pires massacres…
Sculpture d’un Grenome sur l’église de Saint-Vivien-de-Médoc
Cette histoire tomba donc dans l’oubli, tant et si bien, que deux siècles plus tard, plus personne n’était là pour faire le lien entre les hollandais de la rive gauche et une série de découvertes étonnantes qui eurent lieu de l’autre côté de la Garonne, sur le Bec d’Ambès.
En 200 ans, la presqu’île d’Ambès s’est bien transformée, elle qui était aussi un immense marécage a été assèchée à son tour, on y retrouve des esteys, des canaux, des écluses qui permettent outre l’élevage et le pâturage, l’agriculture et notamment la vigne. Environ 1500 personnes vivent sur les communes de Saint-Jacques-du-Bec et Notre-Dame-d’Ambes. Des chemins et des routes ont été construits. L’extrême bout de la presqu’île, le Bec d’Ambès, lui, restait peu fréquenté. Lointain, dangereux pour les bateaux puisqu’au gré des courants, il se mêlait à des bancs de sable changeant toujours de forme. Avec l’assèchement de la presqu’île et des chemins, ce bout du monde devient plus accessible. De riches bordelais ont fait construire des demeures de villégiatures le long de la Garonne et aiment à aller au Bec pour y taquiner la bécasse ou le canard. C’est lors d’une de ces parties de chasse, racontée par le riche marchand Soler, que se produit une drôle de rencontre.
« Nous étions au delà de la commune de Saint-Jacques-du-Bec, avec Monsieur Lenflin, notaire de son état, son fils, et son beau frère… Dans l’eau d’un fossé, alors que nous scrutions la bécasse, apparut un animal que je n’avais encore jamais vu et mes amis aussi et pourtant nous allons souvent chasser du coté de Bègles et Villenave d’Ornon. Moins d’un mêtre au garrot, une peau qui semble verdâtre comme celle d’un crapeau mais l’animal était recouvert de vase et de boue, des pattes postérieures très musclées et palmées aux extrémités. Les caractéristiques d’un batracien, mais avec une face, des traits qui ne sont pas sans rappeler les singes comme les chimpanzés ou les enfants, mais d’une taille jamais vue et qui ne se déplace pas par bonds et sauts mais plutôt à la manière d’un lézard, très rapide et sans queue. Nous n’avons pas eu le temps de bien le voir, car à peine est il sorti de l’eau qu’il nous a aperçu et qu’il a détalé dans les roseaux en poussant un cri rauque.(…) sur le chemin du retour, nous prîmes une chope de bière au cabaret du Jacotin au Mayne. Comme j’y racontais mon histoire, quelques pêcheurs qui étaient au comptoir nous expliquèrent qu’ici, en gascon, on les appellent « grénoumes », qu’ils vivent essentiellement sur la partie marécageuse du bec, mais qu’il est très rare d’en observer, car ils sont extrèmement craintifs et farouches et ne sortent en général que la nuit. Que celui que nous avions vu devait être un jeune égaré. Là-dessus, le Jacotin nous dit que nous aurions du le tuer, il nous l’aurait fait rôtir sur le champ, et tous rigolèrent… »
Après l’étonnement du sieur Soler, c’est sous un tout autre angle que les choses sont abordées à la mairie. Car durant l’hiver rigoureux de 1867, après un été pourri, la famine sévit. Le 14 janvier, une réunion extraordinaire du Conseil municipal de la ville d’Ambès porte sur la seule question du « Grenoume ».
Ecoutons, Raphaël Couteau, cultivateur à Mirambeau : » Une nuit claire, tout près de la digue, il y avait une femelle avec un petit, j’en avais jamais vu par ici. Je l’ai suivi jusquà son terrier, de loin. J’y suis retourné au matin. En fait elle a creusé des galeries dans toute la digue, à la prochaine tempête, tout va s’écrouler. Il faut faire quelque chose, déjà qu’ils viennent jusqu’ici, bientôt ils viendront jusque dans les terres, et ils prendront nos récoltes! … »
On cria, on s’écharpa. Certains défendant que ce n’était pas des animaux comme les autres, d’autres voulaient partir faire une battue sur le champ. Les débats se déroulèrent dans une telle cacophonie qu’on fut obligé de faire appel à l’abbé Burke, curé de Saint-Jacques-du-Bec, pour qu’il tranche. Après avoir écouté les différents points de vue, il décida, pour se faire un avis, de partir à leur rencontre, seul, pour ne pas les effrayer. Il s’enfonça avec sa grande cape dans les roseaux en direction de la pointe, puis revint trois jours plus tard, couvert de boue, racontant les avoir observé longuement et pouvant affirmer avec certitude, que c’était bien des animaux, qu’il n’avaient pas d’âme, et qu’on pouvait les chasser.
Croquis d’une patte antérieure – par Etienne Desmonjaux : dans « Le Grenome de la Presqu’île, frère, ennemi ou cousin » 1939
A la suite de cet épisode sanglant, les grenomes se replièrent sans doute à nouveau dans les vases de la pointe car on n’en vit plus. Il fallu attendre les années 1930 et les travaux d’un jeune étudiant de la Faculté de biologie de Bordeaux, Etienne Desmonjeaux, pour en entendre à nouveau parler. Etienne Desmonjaux s’intéressait aux grenomes depuis que, enfant, il en avait découvert un mort, flottant, lors d’une sortie dominicale à l’estey du Ga, comme nombre de jeunes bordelais à cette époque… Etudiant en biologie, il passe tout son temps libre à tenter de les observer et de comprendre cette espèce qui n’est répertoriée dans aucune encyclopédie.. C’est dans la revue de la faculté qu’il publie un article très documenté qu’il intitule, « Le Grenome de la presqu’île, frère, ennemi ou cousin ? « .
Pour la première fois, il parle d’hominidé. Il désespère de ne pouvoir en disséquer un. Il décrit un animal étrange, plus proche du singe que de la grenouille, anormalement grand pour son milieu naturel et pourtant parfaitement adapté. Il le nomme Pelodyte Grenomus. (Pélodyte vient du grec « pelos » «boue, argile» et de « -dytes » « plongeur »).
« … Il a la peau lisse mais recouverte de boue, qui le dissimule à la vue. Ses cuisses musclées lui permettent de rester longtemps semi-accroupi au milieu des roseaux et des ajoncs tout en observant les alentours. Avec ses membres antérieurs très larges, il peut s’enfouir dans la vase avec une vivacité étonnante. C’est sur les flancs de la Garonne, enfoui dans la vase fraîche, qu’il passe la journée, indécelable, à l’abri des moustiques, avec juste la face apparente qui lui permet de respirer et d’ouvrir un oeil en cas de bruit suspect.
Il semble avoir une très mauvaise vue, ce qui expliquerait pourquoi, il ne sort que la nuit. Par contre il a un pavillon auriculaire hypertrophié grâce auquel il perçoit un craquement de branche de très loin (…) Sa manière de chasser est particulière. Il chemine à quatre pattes lentement dans les eaux peu profondes, sans faire de bruit. Parfois, il reste immobile dans l’eau, observant le fond devant lui et sur les côtés afin de capturer habilement le moindre poisson qui passe. Mais il est omnivore, et il se nourrit aussi bien d’anguilles et d’insectes, que de glands et de racines (…) Il a des comportements sociaux très affectueux. Le Pélodyte Grenomus vit en horde mais il semble qu’il n’y ait aucune hiérarchie entre les individus, aucun rapport de force ou de domination, ni entre mâles, ni entre mâles et femelles. Chez eux, on dirait que la force du groupe n’altère pas la liberté de l’individu… »
Dans ses carnets personnels, il ne cesse de s’interroger sur les origines du grenome. Alors qu’il bute sur le peu d’informations disponibles, le hasard va le mettre sur la piste. Lors d’une sortie romantique sur la Garonne avec sa fiancée. Il se font surprendre par le changement de marée, leur canot est emporté par le courant vers l’aval et finit par s’échouer sur les bancs de sable de la pointe. Alors que sa jeune fiancée se remet de sa frayeur, Desmonjeaux note d’une écriture fébrile dans son carnet : « Ils viennent d’ailleurs. De l’amont. Emportés par la Garonne, ils viennent d’ailleurs! … ».
Euphorique, il se lance dans un travail méticuleux qui croise histoire et biologie, retrouve les écrits de l’abbé Durupt et découvre l’histoire des hollandais de Blanquefort. Dans le dernier chapître de son article, il peut affirmer, sûr de lui : » … C’est l’unique possibilité (…) les grenomes sont issus des hollandais survivants qui ont évolué par adaptation au milieu humide! »
Desmonjeaux pense que sa découverte va le propulser dans le rang des biologistes qui comptent. Malheureusement, son article est publié dans la « Gazette des étudiants en biologie de Bordeaux », le 2 septembre 1939, le lendemain de la mobilisation générale. Bordeaux a les yeux rivés à l’est, bien au delà de la presqu’île… Sur la ligne Maginot, Desmonjeaux tourne en rond, il ressasse son histoire jusqu’à l’obsession. Les médecins militaires décident par précaution de l’interner … On sait qu’il finira sa vie dans une unité psychiatrique près de Rodez, ou tout le monde ne l’appelle plus que par son surnom « la grenouille »…
Mais revenons sur la presqu’île. Les hommes sont partis au front, peu de chasseurs, plus de prédateurs, les grenomes commencent à pulluler, leur territoire du bec se révèle trop petit pour sa population, ils s’enhardissent, ils n’ont pas le choix. Alors qu’on les pensait cantonnés à l’extrème pointe du Bec, on en aperçoit près des habitations. Un certain Inserguet, ferronier de son état, les accuse de vol dans le potager à Béchade. Un marin ivre en harponne un au débarcadère de la Bernardine.
On raconte aussi que pendant la guerre, l’institutrice d’Ambès, mademoiselle Lalanne, qui avait recueilli, lors d’une sortie avec sa classe, un jeune grenomeau seul et en hypothermie, décida de le ramener à l’école. Elle le mit dans une cage au fond de la classe près du radiateur et les enfants le nourrirent. Elle tenta de lui apprendre des rudiments de langage, quelques codes de communication, mais alors qu’il semblait intelligent et en capacité de comprendre, il ne voulut jamais communiquer, il dépérit assez vite et ne finit pas l’année scolaire.
Jusqu’aux années cinquante, c’est en quelque sorte l’âge d’or du grenome, sa population croit, on peut estimer leur nombre à 150 ou 200 individus, il a colonisé quasiment tout la pointe encore sauvage de la presqu’île. Certains anciens se souviennent en avoir vu, en pleine ville pendant les inondations. Monsieur Blondeau de la rue du Général de Gaulle, à Ambès : « A cette époque, les inondations, il y en avait régulièrement, il n’y avait pas toutes ces digues, c’était normal, naturel. Une fois, la montée avait emporté une femelle, qui n’avait pas pu s’accrocher aux arbres. L’eau l’avait amené jusqu’au cimetière, là, on l’avait vu s’enfuir. »
Et Monsieur Maurice, éleveur à Troubadis, nous raconte comment, gamin, une fois qu’il était parti à la chasse à l’anguille sur l’île d’Ambès, il en avait vu un : « le corps était totalement immergé, juste son visage n’était pas recouvert et dépassait de la vase. Je l’ai observé longtemps, elle dormait, elle respirait doucement, on aurait dit qu’elle souriait. Pendant des années, j’ai guetté à cet endroit mais je ne l’ai jamais revue.. ».
Et puis, à partir de 1951 c’est le début de la construction de l’usine d’électricité et à partir de 1955, l’arrivée des raffineries, des pétroliers. Les travaux sont gigantesques au bout de la presqu’île (on est loin des chantiers de dessèchement des marais d’il y a quelques siècles). La pointe du Bec va être totalement modifiée par des terrassements pour être stabilisée. On y brasse 23 millions de m3 de terre pour créer la zone portuaire qui accueillera les tankers pétroliers. La totalité du territoire originel du grenome est détruite.
Pour les habitants de la presqu’île, l’arrivée des usines et des raffineries, c’était une bonne nouvelle, ça faisait du travail, pour les Grenomes, c’était la fin d’un monde, c’est sûr…
Pour l’espèce, la survie passe par l’exode. Son instinct le guide vers le nord. Mauvais nageur, il se laisse porter par les courants, d’île en banc de sable. Selon certaines hypothèses, il y aurait eu jusqu’à 3000 spécimens dans tout l’Estuaire. On note sa présence dans l’Île Nouvelle et jusqu’au Phare de Cordouan, y compris sur la rive droite au niveau de la vasière de Mortagne.
Malheureusement, la construction du terminal pétrolier et gazier du Bec d’Ambes va entrainer un creusement permanent du chenal de navigation pour accepter des tonnages de plus en plus importants. La dragueuse Anita Conti aspire la vase du fond de la Gironde et la rejette sur les côtes, modifiant ainsi grandement le biotope. Puis, dans les années 70, arrive dans la Gironde une sévère pollution aux métaux lourds héritée de la vallée minière du Tarn. La Centrale nucléaire de Braud et Saint Louis va contribuer au réchauffement des eaux de la Gironde en aspirant de l’eau froide pour refroidir ses réacteurs… Ainsi, les eaux de l’Estuaire deviennent hostiles à la vie animale, ce qui contribuera à faire disparaitre la quasi-totalité d’espèces comme l’esturgeon, l’alose, la lamproie, entre autres…
En fait, la population de Grenomes aurait drastiquement évolué car ils ont été multi-intoxiqués! au mercure et au cadmium qui entraînent des troubles neurologiques et psychomoteurs. Ils développent des cancers dus aux pesticides et aux défoliants qui sont utilisés dans les vignes. Après analyse, on retrouve dans l’eau des Jalles des rejets d’hormones du fait de l’homme, l’alimentation, la pilule, etc… ça modifie complètement leur système endocrinien, certains sont devenus stériles.
Selon toute évidence, la population de Grenomes aurait drastiquement diminué, et selon plusieurs hypothèses concordantes, la dernière centaine de spécimens encore en vie aurait trouvé refuge dans les zones humides de la Pointe du Médoc, entre Vendays et le Verdon, loin de la pollution de l’Estuaire et de la vigne.
Là-bas, nous n’avons pas de témoignage de personnes l’ayant observé, mais écoutons le témoignage d’Alexandre Brouillet, ingénieur hydraulique au Syndicat du Bassin Versant du Nord-Médoc :
« Effectivement, nous ne l’avons pas encore aperçu, mais nous savons par expérience que ce n’est pas parce qu’on ne voit pas une espèce qu’elle n’existe pas. Ca fait plus de 10 ans que nous disons que la loutre vit dans les marais du Nord-Médoc, personne ne voulait y croire, et il a fallu qu’on retrouve un individu mâle écrasé par un véhicule sur la D1215 pour en avoir enfin la preuve. Les zones humides sont des écosystèmes très riches qui offrent des conditions de vie favorables à l’alimentation et à la reproduction de nombreuses espèces. Dans les marais, ils trouvent un espace de nidification adéquat.
Avec le Grenome, on est face à un cas unique de primate de type homo qui serait devenu semi-aquatique, ce que l’on pourrait qualifier de « batrifère », c’est à dire qu’il a toutes les caractéristiques comportementales du batracien, mais il reste un mammifère. En 400 ans, c’est une évolution très rapide par adaptation au milieu humide. La texture de l’épiderme, l’hypertrophie des membres postérieurs, la présence d’une membrane palmaire interdigitale, seraient les signes évidents de cette évolution… »
À ce sujet, nous notons aussi des études et une enquête sur le Grenome menée par le G.R.A.V.E., le Groupe de Recherche Amateur sur la Vie dans l’Estuaire, qui recherche des traces sur la Pointe du Médoc et qui relève des empreintes étranges dans la vase fraîche et des cris d’animaux nocturnes encore non identifiés…
Empreinte troublante – marais à Ambes 2022
À ce sujet, écoutons Patrick Lapouyade, gardien du littoral et directeur du CPIE, Centre Permanent d’Initiative pour l’Environnement :
« À l’heure ou je vous parle, on peut dire, concernant le Grenome, que si sa présence était avérée, son avenir serait lié au nôtre. Si nous arrivons à protéger nos espaces naturels, indispensables à notre propre survie, alors on arrivera à protéger le Grenome et les autres espèces afférentes à ces éco-systèmes. Mais les menaces sont nombreuses, l’océan grignote le trait de côte, et les digues de l’estuaire semblent bien fragiles au regard des bouleversements climatiques en cours… ».
Laissons la parole en conclusion à Marion du Groupe de Recherche Amateur sur la Vie dans l’Estuaire :
« Nous constatons que le Grenome a su s’adapter à une vie amphibie assez rapidement. Nous, les membres du G.R.A.V.E., nous nous disons que le Grenome pourrait, sans être l’avenir de l’homme, au moins être une direction. On aurait beaucoup à gagner à s’inspirer de lui et de son mode de vie pour s’adapter à la montée des eaux à venir ».